"101 Mots pour comprendre l'Histoire de la Nouvelle-Calédonie" (Ouvrage collectif ; Ile de Lumière 1997)

Le petit train.

 

En mai 1884, la construction d’un "chemin de fer de Nouméa à Canala" était déclarée d’utilité publique. Inscrit dans le plan que le gouverneur Pallu de la Barrière avait entrepris de réaliser dans le domaine des communications, ce projet ne devait connaître un début de réalisation que bien des années plus tard.

Le gouverneur Pallu de la Barrière remplacé, l’idée fit néanmoins son chemin, mais l’entreprise nécessitait un emprunt que le Conseil général hésitait à contracter, aussi les choses demeurèrent-elles en sommeil jusqu’à l’intervention de Paul Feillet, un autre gouverneur entreprenant qui réussit à faire élire un Conseil général acquis à ses idées, lequel emprunta la somme nécessaire à la réalisation d’un programme de travaux comprenant la construction d’une voie ferrée.

Après le coup de pioche inaugural du 17 août 1901, la ligne fut ouverte aux usagers le 30 décembre 1904, mais l’ambitieux projet initial avait été considérablement tronqué : la ligne s’arrêtait à Dumbéa. Elle avait marqué le paysage et la toponymie avec la "Montagne coupée" et le tunnel de Tonghoué, donné du travail durant quatre années et créé quelques emplois permanents, mais elle ne transportait voyageurs et marchandises que sur un parcours de dix-sept kilomètres et elle avait coûté plus de quatre millions et demi.

En 1908, la Société des Charbonnages de Nouvelle-Calédonie, qui exploitait les gisements de Nondoué, ayant proposé de construire à ses frais un tronçon Dumbéa-Païta, le Conseil général étudia la question, adopta le projet, contracta un nouvel emprunt et les travaux de prolongation de la ligne purent commencer en mai 1910. Ce nouveau tronçon, qui nécessitait la construction d’un pont de 79 m sur la Dumbéa et le percement d’un second tunnel, devait demander quatre années de travail et c’est le 1er janvier 1914 que fut inaugurée la ligne Nouméa-Païta : vingt-neuf kilomètres parcourus en un peu plus d’une heure et demie, comportant dix haltes et un arrêt obligatoire, à Dumbéa, entre la gare de départ et la gare d’arrivée.

Mais alors qu’en 1908, les comptes d’exploitation étaient équilibrés, à partir de 1912, en pleine construction du tronçon Dumbéa-Païta, la situation s’est mise à péricliter. L’épidémie de peste, la Grande Guerre, la concurrence des Messageries Automobiles, devenue redoutable dès le début des années vingt, la crise économique mondiale ont causé la ruine du petit train. En novembre 1939, décision était prise d’arrêter provisoirement l’exploitation du chemin de fer à compter du 1er janvier suivant : le déficit de l’entreprise était devenu trop important, le matériel roulant et les voies étaient en mauvais état.

Cet arrêt provisoire aurait sans doute été définitif sans l’arrivée des Américains qui remirent, en 1942, le petit train en service pour acheminer munitions et explosifs jusqu’aux entrepôts qu’ils avaient aménagés, dans les vallées de Katiramona et de Nondoué.

Les Américains partis, la ligne fut définitivement fermée, le matériel vendu comme ferraille, à l’exception d’une locomotive et de trois wagons, achetés pour ouvrir, baie des Citrons, un restaurant original à l’enseigne "Le Petit Train". Mais l’affaire ne connut pas le succès attendu et ce dernier avatar du petit train ne dura guère plus que l’espace d’un matin.

 

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