Durand Jules. (1854 - ?)

 

À l'origine du mouvement d'opposition au gouverneur Feillet qu'il a combattu avec une farouche opiniâtreté, Jules Durand a joué un rôle de premier plan comme polémiste et homme politique dans la Nouvelle-Calédonie des dernières années du XIXe siècle.

 

Né en 1854, fils d'un exilé de l'Empire, il prend place dans l'histoire de la presse néo-calédonienne grâce à Achille Ballière qui publie de lui dans La Bataille, à partir du 16 octobre 1893, une étude sans complaisance intitulée Grands et petits mineurs calédoniens, fruit de son expérience de la vie sur mine. Il avait été chassé du plateau de Thio par la société "Le Nickel" puis, par Lucien Bernheim, de la mine "Si Reiss" où il était employé au store comme contremaître. C'est que Jules Durand était socialiste et sa présence, qu'on imagine mal neutre et discrète, devait rapidement incommoder les responsables des exploitations minières dont les méthodes s'encombraient peu de sentiment pour tirer le maximum des hommes qu'ils employaient.

En janvier 1895, Durand contribue à la fondation d'un nouveau journal, La Vérité, organe du Comité Central Républicain Radical Indépendant de la Nouvelle-Calédonie, essai de parti ouvrier dont notre homme est dès l'origine l'un des principaux animateurs. Avec ce journal, dont il est le rédacteur en chef, il attaque sans retenue la municipalité de Nouméa à propos de la construction de la nouvelle conduite d'eau, puis il commence à critiquer la politique de colonisation du gouverneur Feillet, et la campagne qu'il engage devient rapidement très violente.

Jules Durand signe ses articles du pseudonyme "Lux", mais c'est sous son nom que sont publiés les deux feuilletons successifs de La Vérité, L'air ambiant et Colons marécageux, ce dernier resté inachevé en raison de la disparition du journal ; il s'agit de nouvelles dont l'action se passe en Nouvelle-Calédonie et qui témoignent dans un style naturaliste des conditions de vie des immigrants au voisinage du bagne ou abandonnés dans la brousse calédonienne.

 

La Vérité ayant cessé de paraître en août 1895, le nom de Jules Durand disparaît pratiquement des colonnes des journaux jusqu'à ce qu'il soit élu conseiller général dans la circonscription de Bourail le 13 décembre 1896. Ses adversaires disent alors de lui qu'il est le représentant de l'alliance de la religion et du socialisme : par ses écrits et son action Jules Durand apparaît, en effet, proche des socialistes chrétiens.

En 1897, inscrit sur la liste électorale du chef-lieu comme "directeur de mines", tout en demeurant conseiller général, il est élu conseiller municipal de Nouméa et devient second adjoint du maire Audrain, puis du maire Guiraud en 1898.

Le 6 juillet 1897, il commence la publication de La Lanterne, un petit journal hebdomadaire, nouvel instrument de combat contre le gouverneur Feillet et ses partisans puis. En 1898, il devient l'un des principaux rédacteurs de La France Australe.

Son engagement passionné contre le gouverneur lui vaut duel, agressions, procès et coups montés. L'un de ces coups montés réussit parfaitement : le 23 décembre 1897, en pleine période électorale, Durand est accusé d'abus de confiance et incarcéré. On ne sait pas si l'accusation était fondée, il semble que non puisque, remis en liberté sous caution le soir même, il passe en correctionnelle le 28 mai 1898 et, son accusateur, Laffété, ne se présentant pas, Durand est acquitté. Mais le ministère public fait appel de ce jugement et l'affaire est appelée le 29 août, au début d'une nouvelle campagne électorale, alors que Jules Durand, conseiller général élu dans la circonscription de Bourail, doit se rendre dans cette localité. Lui et son avocat, maître Guiraud, étant absents pour raison électorale, la Cour rejette comme insuffisantes les excuses que lui font parvenir les deux hommes et, "statuant par défaut", condamne "le conseiller général Durand, candidat pour l'élection du 4 septembre, à un mois de prison".

Le but recherché par ses adversaires était atteint, Jules Durand ne fut pas réélu conseiller général. Après le succès des "feilletistes"à ces élections de septembre, il est assez clairvoyant pour admettre que le gouverneur est en train de gagner la partie engagée en 1895 ; sans attendre que la condamnation qui le frappe soit confirmée par Paris, il donne sa démission de conseiller municipal et d'adjoint puis quitte la Nouvelle-Calédonie le 18 janvier 1899.

 

Dans le Mémorial Calédonien, Philippe Godard raconte plaisamment que Jules Durand serait revenu en Nouvelle-Calédonie en 1911, pour mettre sur pied une affaire d'exploitation de pêche aux éponges, qui se solda rapidement par un échec.