Julien Bernier : caricature, dans Le Casse-tête Calédonien (n° 3) et signature, dans L'indépendant (exemplaire destiné au dépôt légal).
Julien Bernier : caricature, dans Le Casse-tête Calédonien (n° 3) et signature, dans L'indépendant (exemplaire destiné au dépôt légal).

 

Julien BERNIER (1848 - 1903)

 

 

Né à la Réunion, le 14 janvier 1848, il fait ses études secondaires au lycée de Tours et prépare à Paris une licence en droit que la guerre interrompt. Il participe alors aux combats du siège de Paris comme engagé volontaire.

Découragé par la défaite, il retourne à la Réunion où il aurait enseigné avant de travailler pour le comte de Kerveguen qui possédait en association avec De Tourris, Lalande Desjardins et Ferdinand Joubert, huit mille hectares en Nouvelle-Calédonie consacrés à la plantation de la canne à sucre. C'est pour le service de ce consortium des grands sucriers de la Réunion que Julien Bernierserait venu en Nouvelle-Calédonie dans le courant des années 1870. Par la suite, se faisant planteur de café, il essaie de mettre en valeur une concession qui lui a été octroyée à Nakéty, près de Canala. Cette tentative est un échec et il abandonne après être passé en correctionnelle pour avoir, le 20 décembre 1880, blessé d'un coup de fusil un rôdeur issu du bagne qui tentait d'abuser d'une néo-hébridaise qu'il avait prise à son service. (D26)

Devenu directeur de l'usine de sucre de Bourail il s'y révèle inefficace et il est rapidement remercié.

 

Le 15 novembre 1881 enfin, il succède comme directeur-gérant du Néo-Calédonien à Louis Mostini qui, parce qu'il n'était pas de nationalité française, ne pouvait plus, aux termes de la nouvelle loi sur la presse, assumer ce rôle. Julien Bernier n'avait auparavant adressé que de rares communications à la presse de Nouméa. Devenu ainsi journaliste par hasard, il devait ensuite se consacrer avec passion à ce métier pendant plus de dix ans.

Farouchement anticlérical durant la décennie 1880, il ne semble pas pour autant avoir appartenu à la Loge maçonnique. Il a probablement été le journaliste le plus indépendant de la presse nouméenne de ces années-là. En faveur de la colonisation libre qui manque de bras, il se prononce pour l'immigration néo-hébridaise ; il devient l'un des rares adversaires affichés du gouverneur Pallu de la Barrière, trop clérical à son goût, contre qui il mène une campagne véritablement haineuse et il appelle de tous ses vœux un gouverneur civil. Aussi, Julien Bernier manifeste-t-il plus que tout autre une intense satisfaction quand Adolphe Le Boucher est nommé gouverneur de la Nouvelle-Calédonie Mais après avoir défendu contre Le Néo-Calédonien et Le Progrès l'œuvre du premier gouverneur civil de la colonie, à la fin de l'année 1884, à propos de son bilan, il critique lui aussi cet administrateur à qui il reproche de n'être que l'humble serviteur des bureaux du Ministère.

Lorsque Le Néo-Calédonien était tombé aux mains d'actionnaires cléricaux, Julien Bernier avait quitté ce journal et fondé L'Indépendant (9 juin 1884), dont il prétendait faire "l'organe accrédité de toute la démocratie coloniale quelle que soit la nuance des partis". Ce programme fut loin d'être respecté, L'Indépendant fut un journal polémique et partisan.

Cependant, Julien Bernier, bien qu'il réussît dans la carrière de journaliste, ambitionnait d'autres fonctions ; ses adversaires ont prétendu qu'en servant le gouverneur Le Boucher il aurait ambitionné une place de secrétaire colonial ou de directeur de l'Intérieur.

Élu conseiller général le 24 avril 1887, il consacre tous ses efforts à faire prononcer par le Conseil général la laïcisation de l'orphelinat d'Yahoué et s'en fait confier la direction, en janvier 1888, ce qui le contraint à abandonner provisoirement le journalisme.

Sa gestion de l'orphelinat aboutit à un échec lamentable et il semble avoir à ce moment-là nuancé son attitude à l'égard des cléricaux.

Après la mort de Laborde, le 3 mai 1890, il abandonne la direction de l'orphelinat et devient rédacteur en chef de La France Australe, avec la bénédiction du rédacteur de L'Écho de la France Catholique (Cf. L'Échodu 31 mai).

Pendant dix-huit mois, à la tête de ce journal, il polémique contre Ambroise Roger qui dirige L'Avenir. Roger ayant quitté la colonie, Julien Berniers'embarque avec sa famille, à destination de la France le 21 février 1892.

À Marseille, il publie une série d'articles sur la Nouvelle-Calédonie dans La Marseillaise puis il s'établit à Saint-Denis où, en août 1893, il fonde un journal socialiste et anti-clérical pour la période électorale.

 

Revenu en Nouvelle-Calédonie au début de 1894, il obtient la charge de secrétaire-archiviste du Conseil général, à laquelle s'ajoute bientôt celle de conservateur du musée et de la bibliothèque, ce qui lui donne l'occasion de réaliser, tant pour Nouméa que pour le muséum d'histoire naturelle de Paris, d'importantes collections. Délégué de l'Union agricole, pour l'Exposition de Nouméa de 1899, préparatoire à l'Exposition universelle de 1900, il publie cette même année une Étude sur les Dialectes néo-calédoniens, australiens et autres, dont il avait donné quelques aperçus au public dans La France Australe dès 1890.

Toujours en 1899, au cours du grand bouleversement qui s'opère alors dans la presse de Nouméa, il est tenté une dernière fois par le journalisme et se trouve sur le point de prendre la direction de La Calédonie qui publie "son" programme le 18 décembre. Cette dernière incursion dans le domaine de la presse est demeurée sans lendemain.

 

Julien Bernier est décédé à Nouméa le 3 mars 1903.

 

Il a été caricaturé dans le numéro 2 du Casse-Tête Calédonien et j'ai trouvé sa signature au bas d'un exemplaire de L'Indépendant destiné au dépôt légal (illustrations ci-dessus).

 

Notice biographique dans Calédoniens de Patrick O'Reilly.