LASTEYRIE-DUSAILLANT (Adrien-Jules, Marquis de).


Député de 1842 à 1848, représentant en 1848, en 1849 et en 1871, sénateur de 1875 à 1883.


Né à Courpalay (Seine-et-Marne) le 29 octobre 1810, mort à Paris le 14 novembre 1883, petit-fils, par sa mère, du général de La Fayette et beau-frère de M. de Rémusat.

Il prit part comme aide-de-camp de Dom Pedro à l'expédition entreprise par ce prince pour expulser don Miguel de Portugal.

Il avait donné à la Revue des Deux-Mondes quelques articles remarqués, lorsqu'il fut, le 9 juillet 1842, élu député du 5ème collège de la Sarthe (la Flèche), par 196 voix (300 votants, 464 inscrits), contre 82 à M. Gérard. Jules de Lasteyrie prit rang dans le tiers parti et opina généralement avec le centre gauche, notamment contre l'indemnité Pritchard. Réélu, le 1er août 1846, par 259 voix (350 votants, 513 inscrits), il continua de faire une opposition modérée au ministère Guizot.

La révolution de 1848 le rejeta, dans le parti conservateur. Envoyé, le 23 avril, par le département de Seine-et-Marne, le 4ème sur 9, à l'Assemblée constituante, avec 68 330 voix (81 011 votants, 96 947 inscrits), il siégea à droite et vota :

- pour le rétablissement du cautionnement et de la contrainte par corps;

- pour les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière ;

- contre l'amendement Grévy, pour l'ordre du jour en l'honneur de Cavaignac;

- pour la proposition Rateau, contre l'amnistie ;

- pour l'interdiction des clubs ;

- pour les crédits de l'expédition de Rome ;

- contre l'abolition de l'impôt des boissons…

Dans la séance du 6 octobre 1848, Jules de Lasteyrie se mêla à la discussion soulevée par les amendements Grévy et Le blond relatifs à l'institution de la Présidence de la République, dont Félix Pyat, d'autre part, proposait la suppression radicale. Il se prononça contre "tous les gouvernements où les pouvoirs sont confondus dans une seule main ou dans les mêmes mains", et déclara :


"Ainsi toutes ces distinctions subtiles que vous faites entre le président au conseil nommé pour un temps défini, entre un président nommé pour quatre ans par l'Assemblée, et le système de la Convention, et le système de M. Félix Pyat, toutes ces choses, messieurs, ce sont de véritables équivoques. Il n'y a, sous toutes ces formes différentes, qu'un seul et même système, celui d'une Assemblée unique absorbant le pouvoir exécutif ; lorsque ce système est pratiqué avec franchise, il est fort puissant, robuste, capable de résister à des crises violentes, mais il les appelle par sa violence même: ce n'est pas la République, c'est la révolution en permanence".


Aux élections pour la Législative, le 13 mai 1849, Jules de Lasteyrie resta représentant de Seine-et-Marne, ayant été réélu, le 1er sur 7, par 40 625 voix (70 887 votants, 98 983 inscrits). Il appartint à la majorité monarchiste, appuya l'expédition de Rome, la loi Falloux-Parieu sur l'enseignement, et fut un des dix-sept membres choisis en 1850 pour élaborer la loi qui restreignait l'exercice du suffrage universel.

Dans les derniers temps de la législature, il se montra opposé à la politique personnelle du prince-président ; ses protestations contre le coup d'État le firent expulser de France en 1852, mais il fut autorisé à rentrer dès le 7 août de la même année. Sous l'Empire, il fit paraître une Histoire de la Liberté politique en France (1860), et se présenta, comme candidat indépendant, à l'élection au Corps législatif, dans la 3ème circonscription de Seine-et-Marne : le 1er juin 1863, il réunit 12 285 voix contre 14 431 à l'élu officiel, M. Josseau et, le 24 mai 1869, 12 720 voix contre 14 596 au député sortant, M. Josseau, réélu, et 788 à M. de Haut.

Lié avec Adolphe Thiers, il le suivit, après 1870, dans son évolution vers la République conservatrice. Élu, le 8 février 1871, représentant de Seine-et-Marne à l'Assemblée nationale, le 3ème sur 7, par 29 008 voix (43 606 votants, 97 413 inscrits), il se fit d'abord inscrire au centre droit, et vota : pour la paix, pour les prières publiques, pour l'abrogation des lois d'exil ; mais il se sépara de ce groupe dès qu'il fut devenu hostile au chef du pouvoir exécutif, et opina dès lors avec le centre gauche pour le retour à Paris, contre le gouvernement du 24 mai, pour l'amendement Wallon et pour l'ensemble des lois constitutionnelles.

L'état précaire de sa santé ne lui permettant pas de prendre une part active aux délibérations, il se faisait porter à l'Assemblée toutes les fois qu'il devait y avoir un vote important.

Les gauches l'inscrivirent sur leur liste lors de l'élection des sénateurs inamovibles, et Jules de Lasteyrie fut élu sénateur, le 10 décembre 1875, par l'Assemblée nationale, le 7ème sur 75, avec 365 voix (690 votants).

Il fit partie, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, de la fraction la plus modérée du parti républicain, se prononça, en juin 1877, contre la dissolution de la Chambre des députés, en novembre de la même année contre l'ordre du jour de Kerdrol, et soutint ensuite le ministère Dufaure ; mais il fut du nombre des dissidents du centre gauche qui, à l'exemple de Jules Simon, votèrent, le 9 mars 1880, contre l'article 7 de la loi sur l'enseignement supérieur. Il mourut à Paris le 14 novembre 1883, et fut remplacé, le 8 décembre suivant, par Jean Macé.


D'après le Dictionnaire des Parlementaires français, Robert et Cougny (1889)