Paul Mimande (Armand Beuvrand de la Loyère) résume dans Criminopolis cette histoire en ces termes :

Ce Cliquet était vraiment très fort. De complicité avec un nommé Morice, ancien clerc de notaire, il accomplit de véritables tours de force dont un des plus jolis est celui-ci :

Un jour, le colonel X… (*) qui remplissait les fonctions de gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, reçut une lettre timbrée "Sénat" et signée du nom du général B…, qui fut ministre de la guerre. Le colonel décacheta et lut :  

" Mon cher colonel, vous êtes ou vous allez être gouverneur par intérim de la Nouvelle-Calédonie. J'en profite pour vous recommander tout spécialement un condamné nommé Cliquet qui s'y trouve depuis bientôt trois ans.

" Un de mes collègues du Sénat, l'honorable docteur Garrigat, a déjà écrit (lettre également composée par Cliquet) au médecin en chef de l'hôpital militaire de Nouméa à son sujet. Je m'intéresse beaucoup à lui : son rôle politique dans la Dordogne lui a suscité des ennemis, dont l'acharnement, depuis son arrestation, ne fait que s'accroître.

" Depuis le départ de l'amiral Pallu, il est l'objet de rigueurs imméritées de la part de l'administration pénitentiaire calédonienne qui, sous des motifs les plus spécieux, se fait l'instrument d'une cabale dont nous connaissons l'origine. Nous avons tenu avant tout à avoir des renseignements complets et précis ; aujourd'hui nous les avons. Nous ne vous recommanderions point ce pauvre garçon s'il n'était pas digne d'intérêt. On demande pour lui un emploi à l'hôpital de Nouméa, où il ne serait pas mal, paraît-il. Voudriez-vous avoir l'obligeance de vous assurer s'il est placé et, dans le cas contraire, donner des ordres pour qu'il y soit envoyé, avec l'agrément du médecin en chef, bien entendu ?

" Recevez, mon cher colonel, etc."

Signé : Général B

(*) Il s'agit du lieutenant-colonel Ortus qui a assumé cette fonction par intérim du 13 mai au 5 juin 1886, entre le départ du gouverneur Le Boucher et l'arrivée du gouverneur Nouët.