Mary CLIQUET

CLIQUET Louis Clément Marie

 

Né à Bonnières (Seine et Oise) le 21 mai 1844, il s'installe comme notaire à Mareuil-sur-Belle (Dordogne) en 1872, avec pour tout capital sa bonne mine, un culot à toute épreuve et "une rosette multi-colorée à la boutonnière ". Il n'a que 28 ans mais se présente comme ayant été aide-de-camp du maréchal d'Espagne Juan Prim (président du Conseil de régence assassiné à Madrid le 28 décembre 1870).

Il séduit les habitants de Mareuil-sur-Belle au point qu'ils en arrivent à le choisir pour maire et que la rumeur publique lui promet même pour un futur plus ou moins proche un siège à la Chambre des députés.

C'est que Cliquet a tout pour plaire : il donne à nombre d'habitants de cette commune rurale l'occasion d'effectuer des placements de bon rapport, garantis par des hypothèques sur des biens fonciers ; il les éblouit par le train de vie luxueux qu'il mène, "la splendeur de ses fêtes et la magnificence de ses dîners", les sacs de pièces d'argent dont chaque visiteur en son étude pouvait attester de la présence sur son bureau, le prestige que lui confère sa qualité d'homme de lettres ayant une place dans le milieu du théâtre parisien.

 

Ces beaux jours pour Cliquet durèrent quelque dix ans puis la roue de la fortune parut soudain exécuter un demi-tour complet : l'échec de la pièce dans laquelle il avait investi lui causa une perte nette de 45,000 francs ; perte dont il n'avait aucune chance de se remettre étant donné que dans le même temps il faisait l'objet d'une plainte qu'un propriétaire foncier avait déposée contre lui après avoir appris par hasard que ses biens se trouvaient hypothéqués sans qu'il eût emprunté aucun argent par ce moyen. Cette plainte entraîna l'arrestation du notaire indélicat contre qui l'enquête établit 381 charges de faux qui lui auraient permis d'escroquer 250,000 francs. C'est sous ce chef d'inculpation que notre homme comparut donc devant la Cour d'assises de Périgueux en avril 1883.

 

- Bien avant Charles Ponzi (arrêté en 1920) et Bernard Madoff (arrêté en 2008), Cliquet avait monté un système d'escroquerie de type "pyramide", consistant à promettre des rendements "intéressants", ici fondés sur des prêts garantis par des hypothèques sur des biens fonciers. En fait les hypothèques étaient fausses et les intérêts qu'il payait avec une scrupuleuse régularité étaient tout simplement alimentés par les fonds déposés en son étude par de nouveaux prêteurs recevant de nouvelles garanties hypothécaires toujours aussi fausses.

 

- Tout son système était fondé sur la capacité que lui conférait sa qualité de notaire de produire des actes officiels et des talents de faussaire indéniables, au point que dans le déroulement du procès le greffier des Hypothèques, en voyant ses signatures sur les actes fabriqués par Cliquet, les déclara authentiques, et soutint fermement cet avis jusqu'à ce qu'il ait découvert que les documents n'étaient pas entrés dans le registre ; sur quoi, il s'exclama : "Cet l'homme reproduit ma signature mieux que je ne la fais ! "

 

- Il ne s'était pas contenté d'inventer une multitude de signatures hypothécaires : l'enquête révéla qu'il avait aussi fabriqué un faux certificat, censément signé par le doyen de la Faculté de Caen dont il avait obtenu la signature en écrivant pour demander une consultation ainsi qu'un faux laissez-passer militaire sur les chemins-de-fer, signé par le Colonel du 107e d'infanterie , document qui lui permettait d'effectuer facilement et à bon compte ses fréquents voyages à Paris.

 

- Voyages à Paris pour ses activités littéraires, pour y mener la vie mondaine, mais aussi pour se procurer de l'agent suivant le procédé décrit dans notre journal de Nouméa ; voici comment son mode opératoire a été décrit au cours du procès : "Étant à Paris, à court d'argent liquide, Cliquet s'est froidement présenté à un financier comme étant le Marquis de la Cotte, un noble de Périgueux, ajoutant que pour toutes les garanties exigées son notaire, Maître Cliquet, de Mareuil, donnerait l'information nécessaire. Il a pris alors le premier train pour Mareuil, a répondu à la lettre d'enquête lui-même, et est revenu à Paris pour l'argent."

 

- Quant aux sacs de pièces garnissant son bureau, ils étaient remplis de pièces de cuivre que, dans la conversation, il faisait passer pour des pièces de cinq francs (en argent) dans le but d'impressionner les paysans qu'il recevait dans son étude.

 

Les audiences révélèrent au public un personnage digne de figurer parmi les héros des feuilletons que la presse de l'époque servaient pour le plaisir de ses lectrices et de ses lecteurs. Cette presse sut tout naturellement reconnaître Cliquet comme tel et lui fit une juste place dans ses colonnes. J'ai retenu à titre d'exemples l'article d'Octave MIRBEAU dans le journal LE GAULOIS du 20 avril 1883 et l'article "Accused of 381 Forgeries" publié dans le New York Times du 6 mai 1883..

 

Condamné au bagne pour une longue peine en 1883, envoyé en Nouvelle-Calédonie, matricule 14556, Cliquet est décédé à Nouméa le 1er avril 1892

 

Sa fin de vie, Paul MIMANDE la décrit ainsi dans un chapitre de son livre Criminopolis :

 

"On n'a pas tout à fait oublié, sur le boulevard, Mary Cliquet, notaire fashionable et auteur dramatique, politicien et financier : plus d'une jolie pécheresse doit posséder encore, dans un coin d'album, sa photographie avec dédicace suggestive et conserver au fond de ce qui lui sert de cœur l'image de ce cavalier aimable, spirituel, bien tourné et surtout fort généreux.

Lugete Veneres ! Cliquet, tout récemment encore, poussait la brouette, le torse nu, hâlé par le soleil torride, la double chaîne rivée au pied, classé parmi les incorrigibles, couchant sur la dure avec les plus hideux gredins ; et, deux fois par jour, des Canaques le déshabillaient, retournaient ses poches et mettaient leurs doigts crasseux dans sa bouche pour chercher s'il n'y aurait pas caché quelque instrument d'évasion ou de meurtre. Il est mort en cellule."