"Petite histoire du C.E.G." racontée en 1979 dans Le Moluque par Yves Masson, directeur de l'établissement.

Le Moluque n°10

 

Douze ans !

C'est l’âge moyen de la plupart des élèves de 6e.

C'est aussi l'âge de votre CEG.

C'est aussi le temps que j'y ai consacré.

 

C'est en effet en mars 1967 que, sur l'initiative de Monsieur Puyjarinet, alors Inspecteur de la 2ème circonscription, s'ouvrait la première classe de 6e.

Le projet était osé et les moyens bien modestes.

Projet osé puisque l'idée de multiplier les établissements secondaires dans l'Intérieur ne s'était pas encore imposée. Il y avait bien les CEG de Koumac et Poindimié, mais puisqu'à Bourail il y avait déjà un collège privé...

Quant aux moyens, ils étaient inexistants. Sans locaux et sans personnel, ouvrir une 6e tenait de la gageure. Et pourtant...

Le personnel fut trouvé. Mme Sansot et moi-même, tous deux instituteurs, serions chargés respectivement de l'enseignement des lettres et des sciences.

Le problème du local aussi fut résolu. La municipalité mettrait à notre disposition une salle de la mairie, adjacente au bureau de l'Inspecteur.

Tout était donc prêt. I1 ne manquait plus que les élèves. On en trouva dix qui voulaient bien se prêter à cette étrange aventure : Jeanne, Edmée, Huguette, Marie, Marceline, Liliane, Ghislaine, Aïcha, Raymond et Albert.

Tous sont maintenant mariés, ils ont des enfants qui vont déjà à l'école, un est même décédé,

Et pourtant je les revois devant moi le jour de la rentrée, comme si c'était hier. Car une rentrée comme celle-là, on ne l'oublie pas, et mon appréhension était à la mesure de mon inexpérience.

Heureusement, Monsieur Puyjarinet, Puypuy comme nous l'avions baptisé familièrement, veillait sur nous. Voisin par la force des choses, i1suivait activement nos premiers pas dans cette nouvelle carrière et n'hésitait pas à nous lancer d'emblée dans des expériences fort intéressantes,

Expérience pour expérience...

C'est ainsi qu'à Bourail ont fit des maths modernes trois avant qu'elles ne fussent rendues obligatoires. Pendant les cours de français, on parlait cinéma et on construisait une rédaction comme on construit un film.

Et l'anglais, tout un sport ! Car pendant qu'un instituteur venait assurer les heures d'anglais je devais aller faire... de la lecture dans sa classe. Et comme il ne fallait pas laisser les élèves seuls ni d'un côté ni de l'autre nous nous croisions au pas de gymnastique.

À ce régime il était facile de conserver la ligne et c'est donc au pas de course que fila cette première année scolaire.

Si vous avez la patience d'attendre le prochain numéro, je vous conterai la suite de cette passionnante histoire.

 

Le Moluque n°11

 

Nous avons vu à quelles péripéties avait été soumise l'ouverture du GOD (car on ne parlait pas encore de CEG) et on pourrait penser qu'après cette année de démarrage tous les problèmes étaient résolus. C'eût été trop beau !

Car après la 6e venait logiquement la 5e ce qui nécessitait d'autres locaux et un renfort de personnel.

C'est ainsi qu'on vit arriver à Bourail Stanley Camerlinck. Il allait y enseigner l'anglais pendant un an tout en préparant déjà quelques chansons qui allaient lui valoir la consécration locale. Mme Sansot elle nous avait quittés et cédait sa place à Micheline Cuer dont le mari venait d'être nommé au poste de Directeur.

L'équipe pédagogique était donc prête, les élèves nous attendaient et il ne manquait plus... que les locaux.

Une fois de plus on dut se livrer à une véritable gymnastique. En effet, la construction de la nouvelle école primaire, qui aurait dû libérer les classes de l'ancienne, ne fut terminée qu'en septembre et en attendant il fallut se contenter de salles des plus inattendues : dépendances dans le logement de fonction, annexe du réfectoire sommairement aménagée. On aurait difficilement imaginé pire.

Enfin les classes du primaire furent libres et les internes ne soupçonnent certainement pas qu'ils dorment actuellement dans ce qui abrita momentanément les cours de 6e et 5e.

Tout au long de cette année là les nerfs furent soumis à rude épreuve. On peut s'en douter. Cela explique sans doute les quelques dissensions qui se firent jour au sein du personnel. Les déménagements successifs, la coexistence d'un cycle primaire et d'un cycle secondaire aux horaires différents, le tout sur fond sonore de bétonnière et de compresseur il y avait là de quoi ébranler même les plus aguerris.

Enfin malgré toutes ces tribulations l'année finit par s'achever quand même, vaille que vaille et personne ne se doutait encore des difficultés qu'allait nous réserver la rentrée suivante.

Mais ceci est un autre épisode que je vous conterai dans le prochain numéro.

 

Le Moluque n°12

 

Je vous avais laissé entrevoir que l'ouverture de la 4e allait elle aussi réserver des surprises. Je devrais dire une surprise, mais de taille celle-là, car de 4e il n'y en aurait point ! Oui, vous avez bien lu, pas de 4e !

Alors que depuis deux ans dans les pires conditions matérielles (comme vous avez pu en juger), nous nous efforcions de faire vivre un enseignement secondaire public à Bourail, d'un mot d'un seul, le Vice-Recteur de l'époque anéantissait tous nos espoirs.

Le GOD resterait GOD et l'ouverture de la 4e était repoussée au calendes grecques.

Imaginez notre déception à tous : élèves, parents, enseignants. Déception qui se transforma vite d'ailleurs en indignation lorsque le motif officiel de cette décision nous fut signifié : "Pas d'enseignement au rabais". Comme récompense de tous nos efforts, on ne pouvait imaginer mieux. Heureusement...

On dit souvent que les Bouraillais ont mauvais caractère et qu'ils ne s'en laissent pas conter. Hé bien cette fois-là ils furent la hauteur de leur réputation et cela nous servit. Car leur réaction fut prompte : tant qu'il n'y aurait pas de 4e, ils n'enverraient plus aucun de leurs enfants l'école. Certains parents qui avaient déjà inscrit les leurs en 4e de 1'établissement libre les retirèrent vite et on attendit... Pas bien longtemps.

Le Vice-Recteur lui-même monta à Bourail pour expliquer sa position. Mais la réunion à la Mairie tourna vite à son désavantage, car pris en quelque sorte comme otage, il dut donner son assentiment afin de pouvoir repartir vers la capitale !

Et c'est ainsi que, bon gré mal gré fut ouverte cette année-là la 4e, avec deux semaines de retard qu'il fallut bien sûr rattraper.

Tous les problèmes n'étaient pas résolus pour autant. Nous occupions toujours des locaux provisoires, en l’occurrence des salles de 1'école primaire dont les deux toutes petites qui surplombent la cour. Heureusement que les effectifs n'étaient pas trop chargés : 8 élèves en 4e, 9 en 5e et une quinzaine en 6e.

II fallut attendre le 2ème trimestre 1970 pour que nous emménagions dans les locaux actuels. Il n'y avait bien sûr à l'époque qu'un corps de bâtiment et nous pouvions jouir aux interclasses d'une vue magnifique sur Bourail et ses environs. Quelle satisfaction d'être enfin dans des locaux bien à nous ! Même s'ils n'étaient pas très jolis ni très fonctionnels (ils ne le sont toujours pas plus) c'était pourtant un net progrès par rapport à ce que nous avions connu et nous étions presque heureux. Heureux nous le fûmes certainement lorsqu'arrivèrent les résultats de notre premier BEPC. Car cela va sans dire que la classe de 3e fut ouverte cette année-là sans autre forme de procès et que nous attendions avec quelque anxiété le verdict de ce premier examen. Jeanne, Edmée, Daniella et Jean-Michel doivent s'en souvenir aussi de cette première réussite. Quatre reçus sur huit, ce n'était pas si mal pour un début et cela augurait bien de l'avenir.

La machine était désormais en route et plus rien ne viendrait 1'arrêter.

Après toutes ces péripéties d'ailleurs la suite de notre histoire pourrait paraître bien fade et c'est la raison pour laquelle je ne m'y attarderai guère. Je ne citerai pour mémoire que quelques faits saillants.

Nos locaux tout d'abord qui, devinrent vite insuffisants devant les effectifs sans cesse croissants. C'est ainsi qu'en 1974 puis en 1976 de nouvelles unités furent construites réduisant progressivement notre vue panoramique et notre espace vital.

Le personnel enseignant ensuite qui devait animer notre collège et qui passa rapidement de trois à quatre puis cinq pour arriver au nombre actuel. Parmi la longue liste des professeurs (35 au moins jusqu'à ce jour) nous retiendrons ceux qui ont marqué de leur empreinte la vie de notre établissement :

 

  • Micheline Cuer qui y passa huit années et qui fut un excellent professeur de français-histoire-géographie.

  • François Ollivaud qui devait assurer la direction durant presque six ans ainsi que des cours de mathématique pendant plusieurs années. Le collège lui doit beaucoup. Il sut l'animer avec le style qu'on lui connaît bien et lança la coopérative ainsi que des clubs qui fonctionnent encore aujourd'hui. On lui doit également le démarrage des échanges inter-scolaires avec la Nouvelle Zélande et la création de l'APEP. Un solide bilan.

  • Roland Molinier qui fit "souffler" les élèves pendant six ans et qui acquit ses lettres de noblesse avec sa célèbre poudre à requins et un sauvetage miraculeux à la Roche Percée.

  • Michèle Bindler, le premier vrai professeur d'anglais du collège et qui sut, contre vents et marées y dispenser un enseignement solide.

 

Sans pouvoir les citer tous, chacun mérite une pensée car il aura apporté sa pierre à la construction de l'édifice.

Et les élèves ? Ils sont actuellement 368 à avoir passé une partie de leurs belles années en notre compagnie . À de rares exceptions près je crois qu'ils conservent tous un agréable souvenir de leur séjour parmi nous et soyez persuade que pour nous enseignants, c'est déjà une belle récompense.

Voilà, ce récit s'achève et l'usage voulant qu'on en tire une conclusion elle sera, si vous le voulez bien la suivante : on n'obtient rien sans mal.

Puisse cet historique vous faire prendre conscience qu'une entreprise ne peut être menée à bien sans foi ni persévérance et vous aider à mieux respecter et aimer votre Collège.